ж³ - Poems

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<< TIL BAKA ::

De toute façon j'aime pas la politique
octobre 6, 2009 at 9:43 -

Quelle belle erreur… Que tu l’aimes ou pas, la politique, elle est là et elle te concerne, si tu prends part à la vie de la cité. Si tu as des enfants. Si tu as des enfants qui vont à l’école. Si tu es étudiant. Chômeur. Si tu es une vieille grand-mère, un chef d’entreprise, si tu es nonne, artiste ou peintre, maçon…

Ne laisse pas de mauvais ou de faux architectes construire pour toi les règles et les lois.

Makam, le chemin

Je ne sais pas trop ce que c’est moi la politique. Maman et Papa regardent le journal télévisé, tous les soirs, pendant qu’on mange. Ils disent souvent du mal DU Ministre. On n’est pas loin de 1986. “Ça va mal dans l’éducation nationale !” Peu de moyens. Trop bas salaires. Bassesses et messes basses entre profs aussi. Enfin, entre profs et direction, administration surtout. Demain il faut que j’aille y faire un tour. Et il faudra pas que j’oublie de passer prendre les petits pains et les croissants avant de partir au collège, c’est mon tour cette semaine. Aujourd’hui, c’est jeudi. Ce soir maman a une “réunion de synthèse”.

J’aime bien les élèves de ma Maman, ils sont un peu comme une ribambelle de frères et de sœurs, que j’ai, que j’ai eus. Badher, le gros Mande, la chaussette Olympia, tellement d’autres dont on a oublié les prénoms mais dont on connaît les familles et les autres frères et sœurs. Bouchra, Enesa, Fatima, Adisa, Makrem, Mohamed, Mouloud, Mabrouk, Elsira, Samir, Abdelsamad, Mourad, Goran, Nourdine, Samia…

Avec des noms de famille qui font rêver, plein de itch, de ou, de i et de r qui ne figent jamais la langue.

On ne parle pas de politique à la maison. Enfin on croit. On n’est pas loin de 1986. le Ministre a encore fait des bêtises. Il fait n’importe quoi même. C’est bientôt les élections de toute façon. A la télé je confonds parfois “Fabius” et “Chirac” mais je crois que c’est Jacques Chirac qui a ma préférence, il est plus séduisant… et sa femme s’appelle Bernadette. Comme Maman.  D’ailleurs je crois qu’elle l’aime bien aussi. C’est 1988 et il faut choisir un nouveau Président.

On ne parle pas de politique à la maison. Enfin on espère. On critique parfois les Arabes et les Yougos. Les Égoslaves, moi, je disais, quand j’étais petite. J’aimais bien les Égoslaves, y en avait plein de ma classe. Plein de Marocains, d’Algériens, et quelques Turcs. Sans le savoir j’étais dans une école internationale ! Banlieue industrielle, cité plutôt paisible.

Quand on était à l’école primaire mes sœurs et moi, on devait filer ensemble directement jusqu’au collège en passant par une passerelle. Celle-ci ressemblait à un pont de fortune suspendu entre deux falaises en dessous duquel passait un torrent vigoureux et tourmenté, rempli de crocodiles. Je crois que la trouille nous empêchait de parler. Mais nous étions encouragées par la force de notre imagination. Et notre solidarité aussi. Là en bas des crocodiles. Ici nous. Là-bas Maman qui nous attend. On ne tombait pas. Impossible. On gardait l’équilibre. Nous traversions le pont à allure vive, main dans la main. Et puis nous accélérions le pas. La loge, le préau, les grandes portes battantes des couloirs, la porte de la classe de Maman.

La rivière a été détournée, le pont n'existe plus.

--o Suzon Läßer -x- 2009 - Suzon Läßer's blog